Terminologie

Adaptation
Un (dé)numeral est adapté (i) si sa forme et/ou sa structure est celle du (dé)numéral correspondant dans une langue étrangère (source) ; et (ii) si sa forme sonore a simplement été ajustée pour satisfaire les exigences (morpho)phonologiques de la langue cible, ex. fra quadragénaire < lat quadragenarius ‘qui contient 40 parties ; qui a 40 ans’. Les dénuméraux adaptés sont toujours des emprunts. Ces mots adaptés doivent être distingués des mots hérités, dont la forme est le résultat des changements phonétiques que décrit la phonétique historique. Dans la base de données, ‘Adaptation’ est la valeur du trait ‘Origin’, où ‘language’ indique le nom de la langue source (quand elle est connue).
Base de numération
Il s’agit de la base numérique qui sert à compter dans une langue donnée (Comrie 2013). Une langue peut disposer de plusieurs bases de numération, même si la plupart d’entre elles n’en ont qu’une seule. Les bases typiques sont 5, 10, 20.
Compter ou bien énumérer / réciter
« Le numéral qui est utilisé pour quantifier un nom dans un SN (syntagme nominal) n’est pas nécessairement la même forme que le numéral correspondant dans une séquence de comptage conventionnellement récitée » (Hurford 2003 : 664). La distinction pointée par Hurford se retrouve dans quelques-unes des langues étudiées dans le projet.
Le comptage constitue l’utilisation la plus basique des numéraux. Pour connaître le nombre de pommes qui se trouvent dans un panier, il faut les compter. Le résultat obtenu est un nombre cardinal qui donne la taille de l’ensemble des pommes (dans le panier), par exemple ‘13’. Si, par la suite, on veut mentionner le nombre des pommes en question, on utilisera un SN qui inclura un numéral cardinal indiquant la quantité de pommes en question, ex. les 13 pommes, ces 13 pommes, etc. Hurford (2003 : 566) parle d’emploi « épithète » des numéraux dans ce cas. Dans la mesure où la fonction des numéraux dans ces constructions trouve son origine dans une activité de comptage et exprime la cardinalité d’un ensemble, ces numéraux seront considérés comme relevant d’activités de comptage (counting) et seront classés comme des ‘numéraux compteurs’ dans la base de données. En revanche, quand les numéraux sont énumérés ou récités, d’une manière qui suit l’ordre des nombres naturels et sans viser à compter quoi que ce soit, nous parlerons d’emploi récitatif des numéraux.
Dans plusieurs langues, les numéraux utilisés quand on compte et quand on récite ne sont pas les mêmes ; le phénomène se limite généralement aux premiers numéraux de la série des cardinaux. Voici quelques exemples illustrant ce point avec la séquence 1, 2, 3 : rus comptage = odin, dva, tri; récitation raz, dva, tri; deu comptage ein, zwei, drei; récitation eins, zwei, drei; hun comptage egy, két, három; récitation egy, kettő, három. On doit noter qu’en allemand et en hongrois (et dans d’autres langues probablement), les formes récitatives peuvent figurer aussi dans certaines constructions liées au comptage. Il est important de garder à l’esprit qu’il existe des langues (thulung) dans lesquelles les locuteurs sont capables de réciter à la perfection de longues listes de numéraux cardinaux, alors même que ces numéraux ne sont jamais, ou très rarement, utilisés dans les contextes où l’on est amené à compter.
Dénomination des séries de numéraux
Les dénominations suivantes ont été choisies pour chaque série de numéraux / nombres, qui correspondent aux intervalles indiqués :
(i) 1-9 (un chiffre) : expression d’un chiffre (zéro inclus) dénotant des numéraux. Dans la plupart des langues, il s’agit des numéraux lexicaux simples (Hurford 2003). Ils sont dénommés ‘numéraux simples’ ici.
(ii) 10-90 (deux chiffres) : série des dizaines = série (i) où chaque nombre est multiplié par 10 et auquel des numéraux simples ont été ajoutés. Ces dénuméraux, ainsi que ceux des séries qui suivent, sont dénommés ‘serialized augends’ en anglais (bases d’addition formant série).
(iii) 100-900 (trois chiffres) : série des centaines = série (i) où chaque nombre est multiplié par 100 et auquel les numéraux simples ou (les numéraux de la série) des dizaines ont été ajoutés.
(iv) 1000-9000 (quatre chiffres) : série des mille = série (i) ou chaque nombre a été multiplié par 1 000 et auquel les numéraux simples, les numéraux des dizaines et/ou des centaines ont été ajoutés.
(v) 10,000-90,000… (cinq à n chiffres) : série des dizaines (centaines…) de mille = série (i) dans laquelle chaque nombre est multiplié par 10,000, 100,000, etc. et auquel les numéraux simples, ceux des dizaines, des centaines, et/ou des mille, etc. ont été ajoutés.
Il est une sous-série qui se distingue des autres parce que certaines langues la traite d’une façon spécifique (nêlêmwa), alors même qu’un terme manque pour la désigner de manière appropriée : il s’agit de la sous-partie initiale de la série (ii), qui sera appelée ‘première série des dizaines’, ou plus simplement, première dizaine dans la présente base de données.
La série des dizaines inclut non seulement les Nombres ronds, qui sont des bases d’addition formant série, comme 10, 20, 30, 40, 50, etc. mais aussi ces nombres pourvus d’un nombre additionné, comme 21, 33, 35, 42, etc. La même chose vaut pour les centaines, les milliers et les nombres plus grands. Pour dénommer les Nombres de ce dernier type, nous emploierons l’expression ‘numéral des deuxième dizaines’ (ex. 21), ‘numéral des troisièmes centaines’ (ex. 349), ‘numéral des cinquième centaines’ (ex. 537), etc.
Dénuméral
Un dénuméral est un lexème morphologiquement complexe qui est formé à partir d’un numéral ex. fra quatr-ainquatre, eng ten-th ‘10ième’← ten ‘10’.
Dénuméral appellatif
Certaines entités ont pour propriété cruciale d’être composées de n éléments, d’être répétées n fois, etc. Les dénuméraux appellatifs sont noms qui dénotent des entités qui présentent cette propriété, ex. rus troj-ka ‘groupe de 3 (chevaux, personnes, avions, etc.) agissant ensemble’. Appellatif est la dénomination choisie par Tesnière pour ce type de dénuméraux (Tesnière 1934 : 73).
Dénuméral approximatif
Nom dérivé d’un numéral qui dénote un nombre approximatif d’éléments ex. fra une vingt-aine de personnes.
Dénuméral collectif
Un dénuméral collectif est une expression numérale utilisée pour dénoter des entités appréhendées par groupe (Ojeda 1997, 1998). Le terme dénuméral collectif est pertinent parce que ces derniers sont des dénuméraux dans la plupart des langues ex. isl tvennir sokkar ‘deux paires de chaussettes’ face à tveir sokkar ‘deux chaussettes’ (cardinal).
Dénuméral distributif
(voir Gil (2013a)) La distributivité est une relation sémantique binaire mettant en jeu une expression qui dénote ce qui est distribué (la part distribuée), et une autre expression qui spécifie le domaine des éléments concernés par la distribution (la clé de distribution) (Cabredo-Hofherr & Etxeberria 2016). L’éventail des sens observés dépend des choix qui sont faits pour la clé de distribution. La distributivité peut être exprimée syntaxiquement, comme dans l’exemple roumain copii au auscultate câte două cântece enfants:def ont écouté distr deux chants ‘(les) enfants [clé] ont écouté deux chants [part] par enfant’ ou morphologiquement, comme en basque umeek bi-na liburu irakurri zituzten enfants:def.erg deux-distr livres lire aux ‘(les) enfants [clé] ont lu deux livres [part] chacun’ suivant la formule part par clé. Les dénuméraux distributifs incarnent l’expression morphologique de la distributivité.
Dénuméral ordinal
(voir Stolz & Urdze (2005)) Est une expression numérale qui sert à ordonner où à classer et qui est un dénuméral.
Dénuméraux compte-élément (sous-partitifs)
Ces dénuméraux sont des adjectifs qui indiquent le nombre d’unités dont est constitué le référent du nom qu’ils modifient ex. codage binaire ‘codage utilisant la base 2’.
Dénuméraux compte-temps
Adjectifs dénuméraux spécialement utilisés pour indiquer le nombre d’années d’existence ou d’activité du référent du N qu’ils modifient, ex. fra concession trentenaire ‘concession qui dure 30’, maison centenaire ‘maison vieille de 100 ans’, vieillard septuagénaire ‘vieillard âgé de 70 ans. Dans certaines langues, ces dénuméraux peuvent avoir un emploi nominal ex. fra club de dix-septenaires ‘club de personnes âgées de 17 ans’, dans d’autres c’est un N dénuméral qui assure cette fonction ex. ita un undic-enne cinese ‘une personne chinoise âgée de 11 ans’.
Dénuméraux exhibitifs
Il s’agit de noms qui dénotent une entité explicitement corrélée à un Nombre particulier ex. bul dvoj-ka karo ‘2 (de) carreau’. Ces dénuméraux peuvent être considérés comme une variété extrême de dénuméraux appellatifs.
Dénuméraux fractionnaires
Les dénuméraux fractionnaires sont des expressions bipatites mettant en jeu un numérateur et un dénominateur. Alors que le numérateur est toujours un numéral cardinal, le dénominateur est généralement un dénuméral construit à partir d’un cardinal ou d’un ordinal ex. ces jedna sedm-ina ‘1/7’ ← sedm ‘7’.
Dénuméraux multiplicatifs
Ces dénuméraux dénotent le nombre de fois que quelque chose se produit ex. ndl vier-maal / vier-voud ‘4 fois’.
Emprunt
Un numéral ou un dénuméral est emprunté s’il provient d’une langue étrangère sans aucun changement ou avec un changement qui se limite à l’ajustement phonologique minimal imposé par la phonotactique de la langue d’arrivée ex. fra quatuor < lat quattuor, rus sorok ‘forty’ < langue turcique (via le vieux slave de l’est), jap zero < eng zero. Dans la base, les dénuméraux empruntés correspondent toujours à des emprunts dans ce sens strict. ‘Borrowing <language>’ est une valeur du trait ‘Origin’, où ‘language’ indique le nom de la langue source (quand elle est connue).
Homolexical / hétérolexical
Un système de formation de lexèmes est homolexical si les unités utilisées comme input appartiennent au lexique natif de la langue. Si ces unités sont empruntées ou adaptées d’une langue étrangère d’une manière massive et systématique, on dit que le système est hétérolexical. Des langues comme le birman, le coréen, le japonais se trouvent dans ce cas et présentent deux séries de (dé)numéraux pour certains intervalles numériques. Par défaut, les langues sont supposées être homolexicales, ce qui est noté dans la base de données par la valeur ‘indigenous’ pour le trait ‘Origin’. Pour les langues hétérolexicales, la valeur de ce trait est le nom de la langue qui est la source des unités empruntées.
Mise en facteur des numéraux
(voir Comrie (2013)) La mise en facteur est la décomposition des expressions numérales en fonction de la base (arithmétique) utilisée pour la formation des expressions numérales d’une part, et des noms simples qui sont disponibles dans la langue pour les Nombres d’autre part. La base est la valeur n dans le patron ‘xn + n’ : le numéral x est multiplié par n avant l’addition d’un autre numéral. L’ordre des éléments varie de langue à langue et suivant les pratiques ayant cours pour la multiplication, l’addition (et très rarement, la soustraction). Par exemple, le numéral 100 085 est décomposé de manière différente en français et en japonais : fra cent mille quatre-vingt-cinq 100 × 103 + ((4 × 20) + 5), jap juu-man-hachi-juu-go 10 × 104 + ((8 × 10) + 5) (man = 10 000).
Nombre cardinal
En mathématiques, les nombres cardinaux sont une généralisation des entiers naturels utilisés pour donner la taille (cardinalité) d’un ensemble. La cardinalité d’un ensemble fini est le nombre d’éléments de cet ensemble. Les nombres naturels sont ceux utilisés pour compter (comme dans “il y a 3 pommes dans le panier”) ou pour ordonner (comme dans “la 11ème page du livre”). Dans la langue quotidienne, les nombres cardinaux sont les expressions utilisées pour compter et correspondent à ce que nous appelons ici numéraux cardinaux (ou simplement Nombres, voir Numéral).
Numeral / nombre
A la suite de Huddleston & Pullum (2002), le terme numéral est employé pour les expressions linguistiques (cinq) et nombre pour les sens (‘5’). Cependant, pour des raisons de commodité, le terme Nombre est parfois utilisé pour les nombres cardinaux et ‘numéral n’ abrège ‘numéral dénotant le Nombre n’ (le Nombre 12 dénote ‘12’).
Numéral ordinal
(voir Stolz & Urdze 2005 ; Stump 2010) Un numéral ordinal est une expression numérique utilisée pour indiquer l’ordre d’un élément (dans une suite ordonnée) (comme dans « la seconde page du livre »). Les numéraux ordinaux correspondent à ce qui est appelé nombres ordinaux dans la langue quotidienne. Dans la plupart des langues, les ordinaux sont des dénuméraux.
Numéral simple / complexe
Les numéraux simples sont ceux qui ne peuvent être formés au moyen des patrons morphologiques productifs qui servent à former les numéraux complexes dans la langue en question. Ce point de vue conduit à considérer comme simple à la fois les formes qui ont été héritées, ex. fra cinquante, et les formes qui furent dérivées à des stades anciens de développement de la langue mais qui ne sont désormais plus transparentes ex. eng twelve ‘12’, thrice ‘3 fois’. Les numéraux complexes sont ceux qui ne sont pas simples ex. eus hiru-garren 3-ord ‘tiers’.
Syntactique
(voir Dryer (2013), Gil (2013b)) Le syntactique est l’ensemble des structures syntaxiques (et plus généralement combinatoires Mel'čuk (1993 : 117)) permises par la grammaire d’une langue donnée. Pour les (dé)numéraux, le syntactique spécifie les patrons syntaxiques dans lesquels chaque type de (dé)numéral peut apparaître.
Types de genres
GER1 (sexe biologique): {M, F, NEU} (lithuanien, russe); GER2 (humain): {HUM, NHUM} (Kambaata); GER3 (humain): {AN, INAN} (langue d’Amérique du Nord); NCLASS (valeurs multiples): {1, 2, …, n} (langues bantoues, Arapesh)

Réferences

  • Cabredo Hofherr Patricia & Urtzi Etxeberria. 2016. Distributive numerals in Basque. In Cremers Alexandre, Thom van Gessel & Floris Roelofsen (eds), Proceeding of the 21st Amsterdam Colloquium, 185-194. Amsterdam: University of Amsterdam. (http://events.illc.uva.nl/AC/AC2017/Proceedings/) (July 2018.)
  • Comrie Bernard. 2013. Numeral Bases. In Dryer Matthew S. & Martin Haspelmath (eds), The World Atlas of Language Structures Online, Available online athttp://wals.info/chapter/131, Accessed on 2019-02-08. Leipzig: Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology.
  • Dryer Matthew S. 2013. Order of Numeral and Noun. In Dryer Matthew S. & Martin Haspelmath (eds), The World Atlas of Language Structures Online, Available online at http://wals.info/chapter/54, Accessed on 2019-02-08. Leipzig: Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology.
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  • Tesnière Lucien. 1934. Petite grammaire russe. Edition 1964. Paris: Didier.